La Confédération Helvétique



La Suisse est la plus ancienne démocratie du monde, oui mais un regard plus précis sur notre histoire révèle que cela n'est pas vrai pour la majorité du territoire, particulièrement pour la Suisse Romande. L'histoire du changement à une vraie démocratie est celle d'une révolution armée, d'une occupation par des troupes étrangères, d'une tentative de démocratie parlementaire échouée et d'une régénération a la longue. 

Après la chute des troupes napoléoniennes en Russie et à Waterloo, la Suisse retourne aux structures extrêmement fédérales. Cependant, les cantons de St-Gall, des Grisons, d’Argovie, de Thurgovie, du Tessin et de Vaud conservent leur nouveau statut de membres libres de la Confédération, à la place de leur ancien statut de membres partiels ou même de territoires assujettis. Les cantons du Valais, de Neuchâtel et de Genève, qui ont été annexés par la France en 1798, font à nouveau partie de la Confédération suisse. 

De 1815 à 1848, les libéraux et les conservateurs débattent de la structure de la Suisse. La révolution française de 1830 donne du nouvel élan aux libéraux; en Suisse, on parle de l'époque de la Régénération. 

Dès 1840, les demandes pour la liberté deviennent de plus en plus forts dans toute l'Europe occidentale. En Suisse, les radicaux suivent ce mouvement et organisent des marches de corps francs. En 1846, les cantons à gouvernements catholiques- conservateurs réagissent en signant un traité secret (Sonderbund) avec l'Autriche contre les libéraux. Lorsque les autres cantons apprennent l’existence de ce traité, une nouvelle guerre civile semble inévitable. Grâce à l’intervention du général Henri Dufour, commandant des troupes de la Confédération, la guerre contre le Sonderbund ne dure que quelques jours et ne fait pas plus de 86 morts et environ 500 soldats blessés. La victoire de la « Sonderbundskrieg » laisse ainsi le chemin libre à un nouveau système politique. En 1848, la Suisse se donne une nouvelle constitution fédérale, qui se base pour plusieurs points sur la Constitution américaine. 

De 1848 à 1891 les instruments typiques de la démocratie directe suisse ainsi que le référendum facultatif sur les lois (1874) et l’initiative populaire (possibilité pour les citoyens suisses de modifier la Constitution en recueillant un nombre précis de signatures, 1891) sont développés. 

La politique de la Confédération 

La politique en Suisse est celle d'un État fédéral comportant trois niveaux politiques : la Confédération, les cantons et les communes. Les 26 États fédérés cèdent une partie de leur souveraineté à l'État fédéral. État démocratique, il se caractérise par une démocratie semi-directe, l’importance des droits civiques, politiques et fondamentaux ainsi que la neutralité en politique extérieure. La politique interne respecte la séparation des pouvoirs. Elle répond à la nécessité de recherche de consensus liée aux diversités régionales et linguistiques, par une représentation équilibrée au sein des institutions. 

Dans un pays où cohabitent de multiples communautés linguistiques et religieuses, le système politique est l'un des rares dénominateurs culturels communs de la Suisse ; celui-ci est stable, les institutions politiques suisses datant de 1848 (à l'exception du référendum populaire). 

La Suisse s'est formée au cours du temps à partir de réseaux d'alliances, de pactes, qui avaient d'abord un but de défense commune et de sécurité intérieure. Ces accords englobèrent de plus en plus de cantons suisses et de plus en plus de domaines au cours du temps. Selon le principe de « un pour tous, tous pour un » qui est la devise traditionnelle suisse, les cantons commencèrent à traiter ensemble leurs accords avec de grandes nations européennes (par exemple avec la France en 1444, sur le maintien de relations amicales, ou avec le Saint-Siège au début du XVIe siècle). Cependant, les différents cantons présents étaient totalement souverains et il n'existait pas d'organe supra-étatique. L'adoption d'un système fédéral en 1848 (le pays ayant été une confédération puis, après son invasion militaire et le temps d'une tentative imposée par la France, une république unitaire fondée sur le modèle jacobin) marqua la naissance de la Suisse moderne. 

Le Conseil fédéral, pouvoir exécutif, était alors formé exclusivement (et ce jusqu'en 1892) de membres issus du courant radical, qui apportèrent non seulement des changements profonds mais aussi la base de la politique suisse actuelle. Leurs idées reposaient sur deux piliers qui au premier abord semblent contradictoires : un système politique libéral, favorisant les libertés aussi bien individuelles qu'économiques, et un système de solidarité visant l'intégration de tous les citoyens, issus de tous les courants politiques et sociaux, au sein de la communauté. Ces deux principes constituent toujours une base importante de la Suisse et un facteur de stabilité et de cohésion intérieure. 

 

Caractéristiques de la neutralité suisse 

Si la neutralité suisse a acquis un certain statut « mythique », elle n'est pourtant pas un principe éthique absolu, mais un moyen considéré comme le meilleur pour atteindre les buts que sont l’indépendance et la sécurité du pays. Si ces buts sont explicitement mentionnés dans les différentes Constitutions suisses depuis 1848 ce n'est pas le cas de la neutralité, qui n'est mentionnée qu'indirectement, dans les tâches et compétences de l'Assemblée fédérale. En pratique, la politique de neutralité de la Suisse n'est pas fixée de façon explicite, et elle a souvent évolué au fil du temps en fonction des contraintes de la politique internationale. 

Cependant, trois caractéristiques peuvent être retenues ; la neutralité suisse est : 

  • perpétuelle, en ce sens qu'elle ne commence ni ne s'éteint en temps de guerre ; 
  • librement choisie, puisque son existence est nommée dans la Constitution fédérale de la Suisse ; 
  • armée, puisque la Suisse dispose d'une armée de défense. 

Histoire de la neutralité suisse 

La Suisse n'a pas été neutre dès sa fondation : le territoire correspondant à la Suisse centrale appartenait à la famille des Habsbourg et l'indépendance de la confédération a dû être conquise de haute lutte, par exemple lors de la bataille de Morgarten. Jusqu'au XVIe siècle, les différents cantons ont été partie prenante de nombreux conflits, tels que la guerre de Bourgogne, où les victoires des Suisses se sont soldées par l'effondrement de l'État bourguignon, et les guerres d'Italie, où leur défaite à Marignan a marqué la fin de la politique d'expansion du pays. Celui-ci évolue vers la neutralité au XVIIe siècle, avec une première déclaration officielle de la Diète fédérale en 1674. La guerre de Trente Ans, qui ravage l'Europe centrale, a un grand écho en Suisse, où diverses formes du christianisme coexistent. Mais tout en exportant vers les belligérants armes et mercenaires, le pays se maintient à l'écart des opérations militaires. Entrainé́ dans les remaniements territoriaux qui accompagnent la Révolution française puis le Premier Empire, il doit renoncer à cette position en 1798, à la suite de l'intervention de l'armée française. C'est après la défaite de celle-ci à Leipzig en 1813 que la Suisse proclame sa neutralité, qui est reconnue du point de vue du droit international public par le Congrès de Vienne, en 1815. 

Différentes raisons de politique intérieure et extérieure ont poussé́ la Suisse à adopter une politique de neutralité. En tant que petit pays entouré de grandes puissances, elle lui permet d'éviter de devenir la scène d'affrontements militaires. Étant donnés les différents courants religieux, linguistiques et culturels qui traversent le pays, elle permet d'en assurer la cohésion, ainsi que, par une absence d'engagements actifs sur le plan international, l'autonomie des cantons. Elle a également contribué à l'équilibre européen. 

La neutralité a eu d'importants effets économiques, en permettant de conserver un niveau de commerce élevé avec différents belligérants. Elle a également permis à la Suisse d'offrir ses bons offices et de jouer un rôle de médiateur pour le règlement de conflits internationaux; on peut citer le Traité de Lausanne qui régla les frontières de la Turquie moderne, la participation de la Suisse depuis 1953 à la surveillance de l'armistice entre la Corée du Nord et la Corée du Sud dans le cadre de la Commission de supervision des nations neutres, ainsi que des négociations de paix entre le gouvernement de Colombie et des groupes rebelles. La Suisse assure également la représentation d'intérêts étrangers, tel que ceux des États-Unis à Cuba et inversement, ou des États-Unis en Iran. 

 

Fédéralisme

Le fédéralisme désigne une séparation verticale des pouvoirs. Le but recherché étant d'éviter la concentration du pouvoir dans une instance, ce qui permet une modération de la puissance étatique ainsi que l'allégement des devoirs de l'État fédéral.

En Suisse, il s'agit avant tout de désigner l'indépendance des cantons vis-à-vis de la Confédération.  

Les principes de subsidiarité et de proportionnalité

Le pouvoir de l'État fédéral suisse est limité par les principes de subsidiarité (principe ancré dans la Constitution fédérale, article 5a) et de proportionnalité.

Le principe de subsidiarité signifie qu'une instance étatique d'un niveau donné ne doit intervenir que lorsque les autorités situées hiérarchiquement en dessous ne sont pas en mesure d'agir pour l'objet concerné. 

Le principe de proportionnalité, quant à lui, pose trois conditions quant aux mesures utilisées par l'État pour atteindre un but donné : 

  • la convenance : le moyen doit convenir à la nature du but ; 
  • la nécessité : le moyen utilisé doit être nécessaire, c'est-à-dire qu'il doit être le plus clément possible ; 
  • l'acceptabilité : la gravité du moyen utilisé doit être adaptée au but poursuivi. 

Caractéristiques du fédéralisme suisse 

Le fédéralisme suisse repose sur trois niveaux :  

  • la Confédération; 
  • les cantons ; 
  • les communes. 

Relation entre la Confédération et les cantons  

La totalité des devoirs et compétences de la Confédération sont énumérés dans la Constitution fédérale, contrairement aux devoirs et compétences des cantons. Ainsi les cantons sont compétents pour toutes les tâches qui ne sont pas explicitement attribuées à la Confédération. Cette clause générale au bénéfice des cantons se retrouve dans l'article 3 : « Les cantons [...] exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération » et garantit une attribution complète des compétences. 

Autonomie des cantons 

La Suisse est formée de 26 cantons ; ceux-ci sont souverains dans tous les domaines qui ne sont pas limités par la Constitution fédérale. En particulier, ils sont autonomes constitutionnellement, chacun ayant sa propre constitution, et sont libres de leur propre organisation, aussi bien du point de vue législatif, judiciaire et fiscal qu’administratif ; toutefois, il leur est interdit d’adopter une forme de constitution qui ne correspondrait pas aux règles de la démocratie, à savoir qu’elle doit être acceptée par le peuple et qu’il doit exister une possibilité de la modifier si le corps électoral du canton le demande. Un certain nombre de domaines sont ainsi gérés uniquement au niveau cantonal, comme l’éducation (sauf les universités fédérales, les hôpitaux (sauf les hôpitaux communaux et privés), la construction et l’entretien de la majorité des routes (sauf les autoroutes et autres routes nationales) et la police (contrairement à l’armée, ou encore le contrôle de la fiscalité directe. Chaque canton possède son propre parlement (appelé dans la plupart des cantons francophones Grand Conseil) et gouvernement (appelé dans la plupart des cantons francophones Conseil d’État) et ses propres tribunaux. 

Certains cantons ou régions sont regroupés dans des espaces (Espace Mittelland, Espace BEJUNE, etc.) qui leur permettent de défendre des intérêts communs, notamment économiques ; ces espaces ne sont pas des entités politiques en tant que telles. Les cantons peuvent également conclure entre eux des conventions intercantonales prévoyant la création d'organisations et d'institutions communes. 

Autonomie des communes  

Les cantons sont eux-mêmes subdivisés en communes, dont l'autonomie est principalement déterminée par les différentes constitutions cantonales. Toutefois il est possible de dégager trois autonomies générales limitées : 

  • responsabilité pour les affaires locales, dans le cadre du droit fédéral et cantonal ; 
  • législation et autorité propres, dans le cadre de leurs habilitations ; 
  • publication de décrets dans des domaines précis, tant que le droit cantonal ne prévoit pas de norme légale précise dans ce domaine, le domaine tombe complètement ou du moins en partie dans la juridiction communale, 
  • le canton laisse une considérable liberté de décision à la commune. 
  • Les activités des communes restent toutefois surveillées par les cantons qui ont à leur disposition plusieurs mesures telles que : l'examen de l'accomplissement des tâches communales ; la coordination entre les communes ; l'examen de l'utilité des mesures communales. 

Les communes peuvent par ailleurs contester un empiètement sur leur autonomie par une plainte au Tribunal fédéral (Art 189, 1.a de la Constitution fédérale). 

Au nombre de 2’551 au début de 2011 (en constante diminution), elles représentent la plus petite entité politique du pays. Certains cantons ont une subdivision intermédiaire nommée district, qui n'a généralement qu'un rôle administratif sans autonomie propre. 

Démocratie directe 

La démocratie directe permet au peuple d'exercer directement son pouvoir politique, par opposition à la démocratie représentative. La démocratie suisse les combine toutes deux, sous une forme dite « semi-directe » : les citoyens élisent leurs représentants aux différents conseils (communes, cantons et Confédération), mais peuvent se prononcer également sur l'approbation de textes législatifs ou constitutionnels décidés par ces conseils (par le biais du référendum), ou proposer des modifications constitutionnelles ou légales par le biais de l'initiative populaire. Ces consultations populaires sont organisées en général quatre fois par an au niveau fédéral, toujours pendant le week- end. 

Les premières formes de démocratie directe en Suisse sont relevées dès le XVe siècle dans les villes de Berne, Lucerne, Soleure et Zurich, où sont organisés des Volksanfragen, réunions de citoyens devant approuver certaines décisions politiques importantes. L'exemple le plus typique de démocratie directe suisse se retrouve sous la forme de la Landsgemeinde, où les citoyens se réunissent périodiquement sur la place du village pour procéder aux votes à main levée ; cette tradition subsiste encore dans les deux cantons d'Appenzell Rhodes-Intérieures et de Glaris, ainsi que, au niveau communal, dans quelques cercles grisons et districts schwytzois ainsi que dans les assemblées générales de nombreuses petites communes. 

Le degré de satisfaction de la population suisse face à ce système politique, qui permet aux citoyens de faire contrepoids et office de pression à l'égard de l'exécutif et des partis politiques, a toujours été élevé et avoisine les 80 %. Toutefois il entraîne une certaine lenteur des réformes politiques, due en particulier à la « menace référendaire » que peut brandir toute organisation en désaccord avec une proposition de loi ; selon une théorie avancée en 1970 par le professeur Leonard Neidhart, cette menace aurait conduit à mettre en place progressivement, avant toute proposition, des consultations réunissant l'ensemble des organisations concernées qui aboutissent à des compromis difficilement modifiables par le Parlement, transformant ainsi de fait la démocratie directe en « démocratie de négociation ». 

Système de concordance  

Le système gouvernemental suisse est basé sur le « système de concordance », ou « démocratie proportionnelle », qui caractérise le style politique national au travers de la composition proportionnelle des organes de l'État, de l'intégration des forces politiques, du rejet des conflits et de la recherche de solutions négociées aux problèmes. Les politologues l'attribuent généralement à l'impact du référendum et de l'initiative populaire, du bicamérisme intégral, du fédéralisme et du système électoral qui contraignent les acteurs politiques à coopérer avec le maximum de forces politiques pour minimiser le risque d'échec de leurs projets devant le peuple. Certains y ajoutent également les différences culturelles qui poussent à assurer une représentation le plus large possible des minorités. L'homogénéité gouvernementale est tout de même assurée par le mode d'élection des conseillers fédéraux, qui ne peuvent s'appuyer sur les voix de leur seul parti et doivent donc s'en distancer pour espérer rassembler des majorités sur leurs projets. En l'absence d'un véritable programme politique commun, des « lignes directrices » en tiennent lieu pour la période d'une législature. 

Système de milice 

La politique suisse est caractérisée par un « système de milice » qui s'inscrit dans une longue tradition, non seulement dans le domaine de la défense (l'armée suisse étant une armée de milice) mais aussi dans le domaine politique. C'est ainsi que l'on parle de « Parlement de milice » pour désigner l'Assemblée fédérale, et on retrouve le même fonctionnement au niveau communal dans la plupart des cantons. 

Le système de milice est une « prise en charge bénévole, extra-professionnelle et honorifique d'une charge ou d'une fonction publique, peu ou pas dédommagée» ; ainsi, la majorité des députés exercent « une activité professionnelle parallèlement à leur mandat parlementaire » pour lequel ils ne perçoivent pas de salaire, mais une indemnité de présence d'approximativement 100’000 francs suisses par an pour un Conseiller national qui dispose également d'un accès gratuit aux transports publics. 

Ce système, déjà présent dans l'ancienne confédération suisse, loué par Machiavel et inscrit dans la Constitution de la République helvétique, est périodiquement remis en question, en particulier en ce qui concerne l'armée, avec notamment la création du Groupe pour une Suisse sans armée et les initiatives pour une Suisse sans armée. En termes d'avantages, les arguments cités en faveur du système de milice sont l'absence de forme de « caste politique », le lien direct avec la population et des politiciens aux horizons professionnels divers, ainsi que le faible coût d'un tel système qui ne représente qu'environ 0,2 % des dépenses de la Confédération, ce qui en fait l'un des systèmes parlementaires les moins chers au sein de l'OCDE. En termes de désavantages, certains citent l'absentéisme, tant il est difficile d'associer vie politique et vie professionnelle, mais aussi la difficulté croissante due aux dossiers qui deviennent de plus en plus techniques et complexes. On constate d'ailleurs dans certaines communes un manque d'intérêt des citoyens pour participer à la politique communale.

Autorités fédérales 

La Constitution suisse définit trois grandes autorités au niveau fédéral : l’Assemblée fédérale (pouvoir législatif), le Conseil fédéral (pouvoir exécutif) et les tribunaux fédéraux (pouvoir judiciaire). En théorie, l'Assemblée fédérale est l'autorité prépondérante : non seulement elle élit les membres du Conseil fédéral et du Tribunal fédéral, mais elle est également chargée du contrôle de ces instances. Cependant, les faibles moyens de l'Assemblée (formée de miliciens accompagnés par un nombre restreint de personnel de soutien) par rapport au Conseil fédéral donnent en pratique un poids plus important à ce dernier. 

Pouvoir législatif 

Le pouvoir législatif est exercé́ par l'Assemblée fédérale (parlement), qui est l'autorité suprême de la Suisse (sous réserve des droits du peuple et des cantons). En plus de la législation, sa fonction la plus importante, l'Assemblée est chargée d'élire les membres du Conseil fédéral (mais sans possibilité de les démettre), le chancelier de la Confédération, les juges au Tribunal fédéral et, en cas de guerre ou de crise grave, le général commandant des armées. Elle remplit aussi une fonction de contrôle de l'administration et de la justice fédérale. 

L'Assemblée fédérale est formée de deux chambres : le Conseil national, formé des représentants du peuple (200 députés), et le Conseil des États, formé des représentants des cantons (46 députés). Les deux chambres possédant les mêmes compétences, on qualifie le système suisse de « bicaméralisme parfait ». Les deux conseils siègent séparément la plupart du temps, et toute décision requiert l'accord des deux chambres. Pour certaines décisions, telles que les élections, elles siègent simultanément, ce qui arrive en général quatre fois par année. Chaque conseil doit élire pour un an parmi ses membres un président ainsi qu'un premier et un second vice-présidents. Contrairement aux pays voisins, être un parlementaire en Suisse n'est pas considéré comme un métier ou une activité professionnelle. Les députés exercent donc leur mandat parallèlement à leur activité professionnelle et ne reçoivent pas un salaire mais une indemnité.

Chaque conseil institue un certain nombre de commissions parlementaires, chacune chargée des sujets liés à un ou plusieurs thèmes. Les groupes parlementaires (formés de représentants d'un ou plusieurs partis politiques, un minimum de cinq élus étant requis pour créer un groupe) y sont représentés de façon proportionnelle aux nombres de sièges qu'ils détiennent. Jusqu'en 1991, les commissions étaient créées de façon ad hoc, et on pouvait en compter plus de 200 au sein d'un conseil. Depuis cette date, une douzaine de commissions permanentes ont été créées, et on estime que les parlementaires y passent environ trois quarts de leur temps. Les commissions sont entre autres chargées du premier examen de chaque projet de loi présenté aux conseils, et elles occupent une place importante, puisque dans plus de 90 % des cas, les chambres suivent l'avis de leur commission. Contrairement aux séances des conseils, celles des commissions ne sont pas ouvertes au public. En cas d'événements d'une grande portée sur lesquels il est nécessaire de faire la lumière, l'Assemblée fédérale peut constituer une commission d'enquête parlementaire, qui dispose de moyens d'enquêtes étendus au sein des autres organes fédéraux.

Afin d'assurer l'indépendance des membres de l'Assemblée fédérale, plusieurs catégories de personnes ne peuvent en faire partie, parmi lesquels les juges des tribunaux fédéraux, les commandants de l'armée ou les fonctionnaires fédéraux. De plus, les deux chambres ont édité, le 17 février 2006, une communication sur les « Incompatibilités entre le mandat de conseiller national ou de conseiller aux États et d’autres mandats ou fonctions », dans laquelle ces catégories sont encore précisées, tenant en particulier compte des éventuels conflits de loyauté ou d’intérêts pouvant survenir entre la fonction de membre de l'Assemblée et « l’exercice d’un quelconque autre mandat ou fonction », ce qui ne va pas sans causer de nombreux problèmes d'interprétation. Jusqu'à l'entrée en vigueur de la constitution de 1999, les ecclésiastiques étaient dans l'impossibilité légale de se faire élire au Conseil national. 

Le Conseil national 

Le Conseil national représente le peuple. Il est composé de 200 conseillers nationaux (députés) élus au suffrage proportionnel tous les 4 ans. Chaque canton constitue une circonscription électorale qui élit au moins 1 député même si sa population est inférieure à la moyenne nationale d’habitants pour un siège, qui est actuellement de 36 000 habitants (Zurich a 34 sièges, Appenzell Rhodes-Intérieures, Appenzell Rhodes-Extérieures, Glaris, Nidwald et Obwald en ont 1 chacun). 

Le Conseil national a subi peu de modification au cours de l'histoire. Lors de sa création, en 1848, le nombre de sièges total était de 111 soit 1 siège pour 20 000 habitants. Ce nombre n'était pas fixe et évolua proportionnellement à la croissance de la population suisse jusqu'en 1962 où l'on établit le nombre de sièges définitif à 200. La durée du mandat, d'abord fixée à 3 ans, passa à 4 ans en 1931. 

Jusqu'en 1919, les membres du Conseil national sont élus au système majoritaire. En 1900, une première initiative populaire demandant l'introduction du système proportionnel est soumise à la sanction de la « double majorité » : elle est rejetée par le peuple (59,1 %) comme par les cantons ; en 1910, une deuxième initiative est acceptée par les cantons, mais refusée par le peuple (52,5 %). Finalement, en 1918 une troisième initiative sur le même sujet est acceptée à la fois par le peuple (66,8 %) et par les cantons. Le système proportionnel est appliqué pour la première fois lors des élections fédérales de 1919, provoquant la perte de 45 des 105 sièges détenus antérieurement par le parti radical. 

Initiative populaire  

Également nommée « initiative formulée », l'initiative populaire permet aux citoyens suisses de rédiger un texte créant ou modifiant un article constitutionnel. Pour le faire aboutir, ils doivent, dans un délai de 18 mois à compter de la publication officielle de leur initiative par la Chancellerie fédérale, récolter 100 000 signatures (soit environ 2,1 % du corps électoral) en vue de le proposer en votation. S'ils y parviennent, la proposition est soumise au peuple et doit obtenir la double majorité, à savoir celle des votants et celle des cantons (pour tenir compte des petits cantons). Dans la Constitution de 1848, seule une révision totale de la constitution pouvait être proposée par une initiative ; ce n'est qu'en 1891 que la possibilité d'une révision partielle fut introduite. Sur les 169 initiatives soumises au vote entre 1891 et octobre 2009, seules 16 ont été acceptées. Ce taux d'échec de plus de 90 % est dû en partie au fait que les initiatives sont souvent utilisées par des forces d'opposition, et donc généralement combattues par le gouvernement au moment de la votation ; en particulier, les forces d'opposition de gauche ont beaucoup utilisé cet outil dans le but d'étendre l'État social en Suisse, tandis que l'opposition d'extrême-droite a lancé́ une série d'initiatives xénophobes. 

Référendum obligatoire 

Toute révision de la constitution, toute adhésion à des organisations supranationales, ainsi que les lois fédérales déclarées urgentes, dépourvues de base constitutionnelle et dont la durée dépasse 1 an doivent être soumises au vote du peuple et des cantons (double majorité requise). Entre 1848 et 1997, 201 objets au total ont été soumis au référendum obligatoire et 146 d'entre eux (soit 72 %) ont été acceptés. 

Le référendum obligatoire pour toute modification constitutionnelle est introduit dans la constitution de 1848. En 1949, il est étendu à tous les arrêtés fédéraux mis en vigueur d'urgence et qui dérogent à la constitution. Cette extension fait suite à l'utilisation intensive de la clause d'urgence, qui avait permis de mettre en place dans les années 1930 une centaine de mesures non-soumises au référendum facultatif ; en 1946, l'initiative populaire « Retour à la démocratie directe » est lancée en réaction à ces mesures ; elle est acceptée le 11 septembre 1949 par 50,7 % des votants et 11 cantons et 3 demi-cantons, introduisant cette extension du référendum obligatoire. Depuis 1977, l'adhésion à des organisations de sécurité collective (telles que l'ONU ou l'OTAN) ou à des communautés supranationales (telles que l'Union européenne) est également obligatoirement soumise à l'approbation du peuple et des cantons. 

Référendum facultatif 

Introduit à l'occasion de la révision de la constitution en 1874, le référendum facultatif permet à 50 000 citoyens ou huit cantons qui le demandent de demander une votation sur une loi, certains arrêtés fédéraux et certains traités internationaux. Les signatures appuyant la demande doivent être déposées dans un délai de 100 jours à compter de la publication officielle du texte contesté dans la Feuille fédérale. Contrairement au référendum obligatoire, seule la majorité simple (des votants, et non des cantons) est requise. 

Le droit de référendum des cantons n'a été utilisé qu'une seule fois entre 1874 et 2009, en 2003. Le seuil de huit cantons a été fixé de manière à empêcher que les sept cantons du Sonderbund ne soient en mesure d'exiger seuls un référendum et de paralyser ainsi le système. En pratique, la plupart n'ont pas fixé de règles pour l'utilisation de ce droit et près de la moitié d'entre eux ne seraient pas en mesure de le mettre en œuvre dans le délai requis. 

Entre 1874 et 1997, sur un total de 1 888 décisions prises par l'Assemblée fédérale et pouvant être soumises au référendum facultatif, celui-ci a été demandé 129 fois (7 %) et accepté dans à peu près la moitié de ces cas (62 fois). Si l'utilisation du droit de référendum peut paraître faible, sa simple existence a un important effet indirect sur le processus législatif, car les différents acteurs sont poussés à rechercher des solutions de consensus afin d'éviter sa mise en œuvre. 

Double majorité 

Pour garantir une représentation des cantons de taille modeste et pour tenir compte de la diversité culturelle, religieuse et linguistique, certaines votations sont organisées selon le système de la « double majorité ». 

Entre les petits cantons qui ont une population d'une dizaine de milliers d'habitants et certains qui approchent le million, un système qui prendrait en compte uniquement la population suisse dans sa globalité provoquerait un problème de représentation des minorités. Pour pallier ce problème, certains objets de votation, l'initiative populaire et le référendum obligatoire, doivent être soumis à la fois au peuple et aux cantons. En pratique, pour que l'objet soit accepté́, il faut que la majorité des votants suisses l'approuvent ainsi que la population de la majorité des cantons. Dans ce système, les six cantons anciennement appelés « demi-cantons » (Obwald, Nidwald, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Appenzell Rhodes-Extérieures et Appenzell Rhodes-Intérieures) ne disposent que d'une demi-voix chacun, alors que les autres possèdent une voix entière. 

 

Sources : Ecomultimedia, Wikipédia, encarta, agora